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Drive

Le week-end dernier on a fait une session cinéma très équitable : il a choisi son film et moi le mien. J’ai proposé «The Artist» et lui «Drive», dont notre voisin avait parlé avec enthousiasme. Je voulais juste savoir s’il s’agissait d’un film violent et, devant la réponse affirmative, il a été exclu de toute possibilité de participation à ma chère liste de «films déjà vus». Une brève consultation sur l’oracle «Allociné», tout de même, et là, surprise ! Je tombe sur des cinq étoiles unanimes et des critiques de la presse enflammées qui annonçaient «une sensation unique» et «des dimensions émotionnelles». Devant cette image et ces descriptions, je n’ai pas voulu continuer à lire, c’est décidé : d’abord  «Drive» et, ensuite, «The Artist». En rentrant chez moi, il n’y avait qu’une image dans ma tête, celle de Ryan Gosling. Jean Dujardin était loin, presque disparu. Le dernier film a perdu toute sa magie, s’il en avait, en face du premier.

«Drive» est un film à sensations. Le scénario n’a rien qui puisse intéresser ou être considéré comme exceptionnel : un chauffeur cascadeur et garagiste qui conduit pour des voleurs la nuit venant. La trame est simple, d’autres films d’action n’ont rien à envier au long-métrage du danois Nicolas Winding Refn. Pourtant, ils ont tout à envier à ce polar raconté de façon presque contradictoire, où la violence et l’action prennent la forme des scènes au ralenti, où le silence envahit tous les espaces et le rythme de la musique est parfaitement cadencé avec l’atmosphère urbaine et le mouvement en continu de la voiture.

Le regard figé du laconique «driver» trace sans effort une ambiance de tension et, en parallèle, a toute la force d’un héros séduisant. Le metteur en scène va au-delà de l’économie de mouvements et de la musique pour apporter toutes ces mélanges de sensations. Il y en a du symbolisme et du mystère, surtout dans le personnage principal. Les mains sales de sang sont propres, protégées par des gants ; la violence et la fureur ne dominent pas l’âme gentille qui apporte un sourire immobile ;  la veste avec un scorpion dans le dos a dans l’autre face des bras agiles et doux. On devient complice de ce héros et on échappe à toute moralité pour lui apporter notre soutien même quand il s’agit d’un crime.

Il n’y a pas de beauté dans le décor. Los Angeles est vue du ciel et de près comme une ville sans intérêt, le néon reflète la nuit, la poussière et les fumés des voitures prennent place dans la journée. Une ville menaçante, peuplée de ces gens qui ne font que continuer dans la vie, des gangsters, des bars sales et des crimes à venir. La balade en voiture des amoureux n’est pas entourée de beaux paysages autour, c’est dans une piste abandonnée qui finit dans un ruisseau de cette sale métropole.

Dans une des scènes, on doit se contenter d’assister à la mort par l’ombre qu’elle produit. Dans une autre, la plus brutale et la plus violente, on en est face à face, sans épargne. Une sorte de façon à la Tarantino, même si en esthétique on en est vraiment loin de quelque référence entre les deux metteurs en scène.

Il n’y a pas un grand scénario, il n’y a pas de beauté dans le décor, la romance du héros criminel et de la belle vulnérable est un cliché exploré à profusion dans le cinéma, mais on en est fasciné malgré tout ! Le magnétisme se trouve dans la façon dont la narration est faite, dans les sensations apportées et dans le retour à une ambiance des années 1980 fortement influencé par les battements de l’électro musique. Esthétique, énigmatique, photogénique, modeste, saisissant, fort en sensations, «Drive» n’a rien pour être considéré comme un chef-d’œuvre et, pourtant, c’est justement cela que nous attache.

Arrivés à la maison, on cherche plus à en savoir sur ce battement qui ne sort pas de l’oreille et sur ces images fixées sur nos yeux. «Je le savais ! Le metteur en scène est le même que celui de Pusher, la trilogie dont je t’avais parlé». Le DVD est depuis longtemps sur les étagères et je ne lui ai porté aucun intérêt. Il est temps de changer d’avis. Aurai-je la même surprise que j’ai eue avec «Drive» ?

Bande-sonore très prenante :

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Déjà vus

far away so close

Photo prise pendant une séance de In weiter Ferne, so nah!

Cette liste de films déjà vus m’était venu dans la tête il y a déjà un moment. Je l’envisageait comme la solution à quatre problèmes: 1) La répétition constante des films loués au vidéoclub. Il y en a un que j’ai déjà pris quatre fois! 2) Le complet oubli qui me touche à chaque fois que le sujet de la discussion revient au cinéma. « Il y a un film avec cet acteur là, que je ne me rappelle plus du nom, mais il s’agit d’un scenário qui m’échappe maintenant, mais qui se passe aux États-Unis, du même réalisateur de cet autre film là… » c’est mon genre de sentence. 3) Le manque de mémoire duquel se dégage la presque impossibilité de faire des comptes rendus, reliant les histoires, les réalisateurs, les acteurs, etc. 4) Les tentatives échouées. Toutes les listes crées pour moi auparavant se limitaient aux bouts de papier trouvés dans mon sac ou à des agendas, ce qui ne permettait pas d’avoir un ensemble. Pour moi, qui fait du cinéma un des passetemps majeurs (je vois une moyenne de 2 films par semaine — il y en a eu que j’ai vu 7, mais d’autres que je n’ai rien vu), voilà une bonne solution pour n’avoir plus d’excuses.

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La révolution à la télé

Les lumières s’éteignent une après l’autre, cadencées par la coupe d’électricité. Elles annonçant le rythme d’une nouvelle journée au sein d’un village roumain à l’est de Bucarest. La date est historique : 16 ans de la chute de Nicolae Ceausescu, dirigeant communiste de la Roumanie entre 1965 et 1989, qui comptait avec le support de la Russie. Malgré l’importance de l’événement, c’est ainsi, paisiblement, que ses habitants envisagent ce jour. Ils ne font pas grand cas de ce qui s’était passé en décembre de 1989. C’est près de Nöel et, en plus, on ne sait même pas si quelque chose avait vraiment changée après la dite révolution.

Ce marasme pourrait-il être bouleversé si l’on répondait : a-t-il vraiment eu une révolution dans notre village ? C’est autour de cette question qui la comédie 12:08 à l’est de Bucarest (A fost sau n-a fost?, 2006) se déroule. Le jeune réalisateur Corneliu Porumboiu présente le matin des personnages qui, dans la soirée, débattront ce sujet. Jderescu est l’ animateur d’une émission à la télé qui partage sa journée entre les ennuyes de sa femme, l’effronterie de sa maîtresse et la confirmation des invitées que participeront au débat. Manescu est un professeur d’histoire minable, ivrogne et endetté qui essaie d’échapper à ses créanciers et de se racheter auprès du chinois qu’il avait insulté le soir d’avant. Piscoci est un vieux solitaire qui s’occupe du costume de Père Nöel, pendant qu’il s’est fait pieger par des petits bombes jetées par les enfants du quartier.

bucareste

Photo de divulgation du film

Les trois se rencontrent et commencent le débat, télévisé par la précaire chaîne local. La discussion dépasse le sujet de l’importance ou pas de la révolution: il est question de savoir s’il a eu des manifestants avant 12h08, dans ce jour il y a 16 ans, à la place centrale – il s’agit de l’heure exacte de la chute de Ceausescu. S’il n’y avait personne avant 12h08, il est prouvé que le village n’a pas participé à la révolution, mais uniquement de la fête de suite. Au tour de cette question de extrême importance, la participation de l’ audience rend le débat presque une enquête de police, chacun en train de accuser l’un à l’autre, en essayant de remémorer avec précision les faits du jour.

La comédie est filmé d’une façon presque indifférente, dans l’impromptu, comme le fait l’opérateur de caméra du studio de Jderescu. Il y a  peu de mouvement, les scènes sont figées, répétées, stagnantes, tels que la vie des personnages. Les dialogues sont marqués par l’absurdité, le ridicule, le satyrisme. De la caricature de ces gens se dégage un portrait pittoresque de la societé roumaine face à ce moment historique. C’est de cette manière, très légère, qu’on assiste à la discussion de l’identité d’un peuple, de ce qui la chute du communisme a empreint ou pas sur eux.

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Peindre

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Photo de divulgation du film

Ni l’amour, ni la peinture. C’est la photographie de « Peindre ou faire l’amour« , des frères Arnaud et Jean-Marie Larrieu, qui devient l’art principal du film. Le silence des personages va ensemble du contraste ombre et lumière, encadrés dans l’ampleur de l’ambiance des Alpes Français. Il y a des scènes qui mériteraient être encadrées, pour que l’on puisse les voir plus attentivement. Comme celle où Madaleine, joué par Sabine Azéma, répose en dormant sur une chaise dans une salle blanche et vide, touchée par un filet de lumière qui arrive horizontalement. Belle photographie, mais un beau sujet aussi: un couple bourgeois (Madaleine et William) qui décide d’acheter une maison à la campagne après la retraite et du départ de leur jeune fille à un autre pays. Ils font connaissance avec un couple voisin (Adam et Éva), dont l’homme est aveugle, et entretiennent une forte relation d’amitié qui va évoluer dans le sens d’une intimité sexuelle.

Même si les frères Larrieu chosissent d’éviter le sujet de l’art – on n’y voit jamais les tableaux de Madaleine – il est fort l’appel fait par la question de la vision, qui se dégage de cette relation peinture-cécité. La beauté émane des paroles de l’aveugle (Sergi Lopez), le plus sensuel d’entre les personnages, qui leur apporte une autre façon de voir le monde: celle du contact. Une séquence de images en noir, où Adam prend par la main le couple voisin, en les guidant dans l’obscurité totale, est le appogée des sens, except celui de la vision.

À ne pas rater pour un spectateur brésilien: le style disco années 70 du copain brésilien de la fille du couple Madaleine-William. Le rôle est joué par l’acteur Thiago Telès, qui a eu le prix Michel Simon 2003 pour Tiresia.

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